COMPLAINTE MORTUAIRE A DEUX VOIX
(Pour les Pygmées de la forêt africaine équatoriale, la nuit, c’est le noir de la mort. Cette lamentation dit l’angoisse humaine et cherche à la calmer. )
L’animal court, il passe, il meurt.
Et c’est le grand froid
C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
L’oiseau vole, il passe, il meurt.
Et c’est le grand froid.
C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
Le poisson fuit, il passe, il meurt,
Et c’est le grand froid.
C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
L’homme mange et dort.
Il meurt.
Et c’est le grand froid
C’est le grand froid de la nuit, c’est le noir.
Et le ciel s’est éclairé, les yeux se sont éteints, l’étoile resplendit.
Le froid est en bas, la lumière en haut.
L’homme a passé, l’ombre a disparu, le prisonnier est libre.
Kvum ! Vers toi notre appel !
FRANCIS BEBEY
Anthologie camerounaise d’expression française, Editions Silex 1982
QUI ES - TU ?
Qui es-tu ?
Je suis Mamadi, fils de Dioubaté.
D’où viens-tu ?
Je viens de mon village.
Où vas-tu ?
A l’autre village. Quelle importance ? Je vais partout, là où il y a des hommes.
Que fais-tu dans la vie ?
Je suis griot, m’entends-tu ? Je suis griot, comme l’était mon père,
Comme l’était le père de mon père,
Comme le seront mes enfants
Et les enfants de mes enfants (…)
Quant à moi, je bats des mains et le grand soleil d’Afrique
S’arrête au zénith pour m’écouter et me regarder,
Et je chante, et je danse,
Et je chante, et je danse.
René PHILOMBE
L’HOMME QUI TE RESSEMBLE
J’ai frappé à ta porte
J’ai frappé à ton cœur
Pourquoi me repousser ?
Ouvre-moi, mon frère
. Pourquoi me demander
L’épaisseur de mes lèvres
La longueur de mon nez
La couleur de ma peau
Et le nom de mes dieux ?
Ouvre-moi, mon frère.
Pourquoi me demander
Si je suis d’Afrique
Si je suis d’Amérique
Si je suis d’Asie
Si je suis d’Europe ?
Ouvre-moi, mon frère.
Je ne suis pas un noir
Je ne suis pas un rouge
Je ne suis pas un blanc,
Je ne suis pas un jaune.
Ouvre-moi, mon frère
Je ne suis qu’un homme,
L’homme de tous les cieux,
L’homme de tous les temps,
L’homme qui te ressemble :
Ouvre-moi, mon frère.
POLYCHROMIE
Cher frère blanc
Quand je suis né ,
j’étais noir ,
Quand j’ai grandi , j’étais noir,
Quand je vais au soleil , je suis noir
Quand j’ai peur , je suis noir
Quand je suis malade , je suis noir …
Tandis que toi , homme blanc
Quand tu es né , tu étais rose ,
Quand tu as grandi , tu étais blanc
Quand tu vas au soleil , tu es rouge ,
Quand tu as froid , tu es bleu,
Quand tu as peur , tu es vert
Quand tu es malade , tu es jaune ,
Et après cela tu oses m’appeler " Homme de couleur "